J’ai choisi la ville de Lyon comme décor de ce roman pour trois raisons.
La première est un hommage à celle qui m’a ouvert ses bras (le Rhône et la Saône) il y a trente-cinq ans. Août 1988, banlieue villeurbannaise, foyer Sonacotra, six mois, pas le choix, les débuts, octobre glacial à l’arrêt de bus, perspective d’embauche, choix de vie et période d’essai… transformée !
La deuxième raison est liée à un record difficile à battre : vivre autant d’années au même endroit. À moins que, compte tenu de mon âge, l’éternité soit rapidement brevetée et accessible à des prix décents !
Alors on ramasse ses claques, on prend ses cliques et on s’installe là où on sait qu’on sera bien (chance des vies d’avant), ce quartier tant aimé : la Croix-Rousse.
Et j’en arrive à la troisième raison. Si cette belle cité n’est qu’une toile de fond, c’est pour moi forcément celle des Canuts, ces tisseurs de soie, ces ouvriers révoltés qui en ont fait une des nombreuses réputations historiques au XIXe siècle.
Comme des draps, soyeux peut-être, n’importe quel lecteur, d’ici ou d’ailleurs, pourra à loisir s’y glisser. Et, j’ose l’escompter, se laisser emmener par tous ces récits, aussi éloignés de l’Histoire que je le suis de la fortune. Connaître ou non Lyon, cela n’a donc aucune incidence, les références auraient pu être fictives.
Elles ont d’ailleurs été parfois tortillées pour mieux servir le propos ou l’humeur. Je me suis même permis quelques libertés… À titre indicatif, « Chez Lolo » n’est autre que « Chez Marie-Thé », tenu jadis par la regrettée Marie-Thérèse Mora.
À l’heure où j’écris ces lignes, Lolo existe et gère aussi un café-restaurant, à la différence que dans la vraie vie c’est un homme, presque aussi bougon, mais fort sympathique si on sait le laisser vous prendre. Et le bouclard s’appelle réellement l’Ivry, comme le nom de la rue où on le trouve (qui n’est donc pas la rue Ozanam, où officiait Marie-Thé, vous suivez ?). Cet autre hommage m’a semblé opportun pour indiquer que l’établissement est un des rares, à mon sens, où l’esprit croix-roussien demeure. Gouaille, canons** et chicaisons*** abordables et de premier choix ! Et, intérêt majeur par rapport à Marie-Thé : à l’heure actuelle Lolo est bel et bien de ce monde.
Autre clin d’œil, j’ai attribué à un de mes personnages le surnom de « Bébert ». Là, il s’agit plutôt de la vie nocturne du quartier, puisque ledit Bébert est, avec Yves (retiré de l’affaire), le co-créateur du « Bistrot fait sa Broc », ouvert en septembre 1999, une des dernières balises d’une nuit croix-roussienne presque engloutie.
Que l’on m’excuse si je n’ai pu inclure tout le monde dans mon ouvrage, ceux qui, pourtant, rendent la vie plus simple et plus plaisante. Certains doivent se foutre éperdument de ne pas apparaître, d’autres s’en trouveront même satisfaits… seront-ils au moins au courant ? Quoi qu’il en soit, ce sont les récits qui m’ont guidé, je le répète, Lyon est juste en arrière-plan.
Il me faut toutefois préciser, insister sur le fait qu’il est le plus souvent question du quartier de la Croix-Rousse. Les locaux le savent, c’est un coin à part. Bien qu’il soit à parier que n’importe quel résident attaché à un autre secteur dirait de même du sien.
Malheureusement, comme partout dès que la gentrification s’immisce, il importe de mentionner la délirante inflation immobilière que subit ce territoire ouvrier par tradition, où les Canuts y transpiraient sur leurs métiers à tisser. Et même s’il est maintenant question de logements devenus quasi inaccessibles aux personnes à revenus modestes – dont, locataire bienheureux, je fais encore partie – ceci n’est qu’un simple aparté, un aparté d’appartements ! Une sorte de parenthèse que je tiens malgré tout à insérer ici pour ces logis hauts de plafond (puisque les métiers Jacquard y pullulaient), générant des surfaces devenues pour le coup outrageusement lucratives.
Parmi ce que je qualifierais de « bizarrerie », un musée consacré à ce pan de l’histoire lyonnaise est d’ailleurs situé au cœur dudit quartier, au rez-de-chaussée d’un de ces immeubles où naguère on travaillait dur. Certes, on l’imagine mal à l’autre bout de la ville. Mais il est vrai que le touriste, qui aura plaisir à visiter ce lieu de mémoire, n’est pas venu pour s’installer et se fout pas mal du coût du mètre carré des appartements du dessus. Il est de passage et, peut-être, aura-t-il même obtenu à prix d’or un nid dans les parages pour deux ou trois nuits…
Ajoutons, pour clore le sujet géographique, que ces pages ne sont encombrées d’aucune recherche de conformité absolue, historique ou autre, avec la Capitale des Gaules. Même si j’ai parfois cherché à être le plus exact possible lorsque j’ai estimé que cela était nécessaire.
Les Lyonnais, de souche – ou, comme moi, adoptés – s’y retrouveront sans aucun doute.
Les autres aussi, j’en suis sûr. Ils façonneront leurs propres paysages, ils visualiseront ce que j’aurais pu imaginer, ces références n’étant pas intrinsèquement liées aux récits dans lesquels on les trouve.
J’en profite pour dire un mot sur l’origine des noms de mes personnages. Ils sont peu communs et pour cause ! Ils proviennent – excepté un ou deux – d’une recherche généalogique menée par ma sœur, du côté de mon père. J’ai donc picoré tout ce matériel de-ci, de-là, dans le seul but de renforcer les situations insolites où ils se trouvent. Mais j’avoue que l’attrait du désuet en général a toujours été par ailleurs un de mes centres d’intérêts.
La fiction s’enroule sur l’ancre du réel, elle s’en détache par filaments et vient taquiner les courants.
Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille – Castelmoron-d’Albret en Gironde étant juste trop petite – aucune importance.
Bertulf, Guicharde, Hiérosme, Pernette… peu importe.
Implantation ou dénominations, ce qui pourrait passer pour un frein devient une invitation, un sillage engageant, une offre de visite non fléchée.
Il s’agit d’un roman à caractère urbain appréciable à la campagne, s’il en reste.
En chaise longue ou en chaise courte.
Le choix de votre confort ne me regarde pas.
Le reste, oui, il me scrute même.
* Qui ne nuit pas à l’intrigue
** (masc.) Verre de vin, soit un quart de pot (11,5 cl de 46 cl).
*** (fém.) Repas.
Waouw félicitations
Un 3ème roman.
Belle production.
Comment le commander ?
Merci Zu Nicolas Content
Marie Rose De Jonge